Les points noirs des contrats laitiers Les points noirs des contrats laitiers
Les documents rédigés par les industriels ligotent les producteurs.
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La plupart des contrats envoyés par les industriels privés présentent un certain nombre de clauses jugées inacceptables pour les producteurs. Parmi les cinq plus importants transformateurs, Danone est le plus respectueux des intérêts des éleveurs.
Dans les petites laiteries, les dérapages sont nombreux. Vu les similitudes d'un document à l'autre, ces entreprises se sont sans aucun doute inspirées d'un modèle fourni par la Fédération de l'industrie laitière. Florilège...
La durée. Les contrats débutent tous sur un engagement de cinq ans, imposé par le décret. Par la suite, c'est le grand écart : certains, comme Bel, Lactalis ou Bongrain, proposent une reconduction pour une durée illimitée. D'autres, à l'instar de Novandie ou Chavegrand, imposent un renouvellement annuel.
Le volume. Jusqu'à la fin des quotas, c'est la référence officielle qui prime. Les laiteries se donnent cependant le droit de réexaminer le contrat en cas de « modification substantielle » de la législation, sans plus de précisions.
Après 2015, toutes instaurent un régime de quotas privés qui ne dit pas son nom, incluant la révision de la référence et des pénalités en cas de dépassement ou de sous-réalisation.
En cas de dépassement, les laiteries donnent le choix entre « un arrêt de collecte immédiat », un paiement au prix du lait spot ou du beurre-poudre, ou une pénalité variable (100 €/1.000 l à la Société fromagère du Livradois, 287 €/1.000 l chez Lactalis et Bel, selon ses « coûts réels » pour Senoble). Bongrain estime qu'il « n'est pas tenu d'acheter les volumes ».
Certains industriels poussent à une plus grande régularité des livraisons. Ainsi, Bongrain exige entre 23 et 26 % du volume annuel au premier trimestre, moins de 26 % au second trimestre, plus de 23 % au troisième et entre 24 et 27 % au quatrième, ce qui exclut les éleveurs calés sur la pousse de l'herbe ou en vêlages groupés. Senoble et Danone imposent de livrer chaque mois au moins 5 % du quota annuel.
La collecte. Les producteurs ont intérêt à spécifier que la collecte doit impérativement avoir lieu hors des heures de traite, car la plage horaire proposée va souvent « de 0 à 24 h ». Novandie et Saint-Denis-de-l'Hôtel garantissent deux heures matin et soir sans passage du camion-citerne.
On voit aussi un certain nombre d'exigences sur l'accès du camion-citerne au tank. En particulier, Novandie veut un accès pour « un véhicule de 38-44 t ».
Le prix et la facturation. Tous les contrats contiennent, de fait, des mécanismes de double prix mais seul Danone l'énonce clairement. Les documents se réfèrent a priori aux indicateurs du Cniel.
Mais si les prix sont « anormalement hauts ou bas », « nuisent à la compétitivité de l'entreprise » ou en l'absence d'accord interprofessionnel, les industriels prévoient une « clause de sauvegarde » pour renégocier des critères de paiement dont les conditions restent floues. Un bon point pour Bongrain, qui maintient la méthode du Cniel.
Par ailleurs, tous les industriels font figurer un mandat de facturation dans le contrat. Cette clause empêche de fait le producteur de mandater ultérieurement une organisation de producteurs. Rares sont ceux qui, comme Danone et Bongrain, introduisent une clause de substitution vers un contrat tripartite laiterie-producteur-groupement.
La suspension ou la résiliation. « Le contrat peut être suspendu pour une durée déterminée allant d'un jour à plusieurs mois », spécifient la majorité des contrats. Or cette clause, décidée unilatéralement par la laiterie, est très pénalisante pour les producteurs. Parmi les motifs invoqués figurent le dépassement de la référence ou une quantité dans le tank inférieure à 100 l.
Quant aux motifs de résiliation, les transformateurs évoquent une « inexécution grave et répétée » des obligations contractuelles sans en préciser davantage, ce qui ouvre la voie à une interprétation aléatoire.
Les cas de force majeure. C'est le grand flou. Les industriels feront « leur possible » pour assurer la collecte en cas d'intempéries ou autres, mais cette notion reste subjective.
Les clauses « antisyndicales ». Une clause « antigrève du lait » se glisse dans le document de Lactalis. Ce dernier considère comme « inexécution contractuelle » toute rupture de livraison, « y compris partielle, résultant de la seule volonté du producteur ».
« L'atteinte volontaire portée à l'image » de la laiterie peut aussi être une raison de rupture de contrat.
Parmi les cas de force majeure les dégageant de leur obligation de collecte, figurent les blocages de laiteries ou de camions, ainsi que les grèves.
Le ministre s'implique Devant ces dérapages patents, Bruno Le Maire a été contraint de s'impliquer dans le dossier. Il a rappelé les industriels à l'ordre et nommé un médiateur. Il aura sans doute à coeur de faire réécrire leur copie aux industriels. |
Les syndicats protestentLes syndicats réitèrent leur appel à ne pas signer les contrats. Pour le syndicalisme majoritaire, ce sont les sections locales qui protestent. La FNPL communique peu, misant sur son réseau pour rallier les éleveurs. L'Organisation des producteurs de lait souligne « des clauses aberrantes » : « Certains contrats ne prévoient aucune marge de tolérance… comme si les vaches étaient de vulgaires robots ajustables. Quant aux dépassements, ils seront lourdement pénalisés. » La contractualisation « livre pieds et poings liés les paysans à leurs acheteurs », déplore pour sa part la Confédération paysanne, citant « l'envoi de dernière minute de contrats à prendre ou à laisser, la renonciation au droit de grève, l'obligation de donner un mandat de facturation à l'entreprise et l'adhésion obligatoire à une charte gadget… » |
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